Ils marchèrent encore pendant quelques minutes, droit devant eux, convaincus désormais qu’ils touchaient au but. Le jeune homme n’était plus si pressé, maintenant. Ici, au cœur de la grande forêt, il était encore libre. Il caressa un instant l’idée de se fondre dans la nature, abandonner les deux autres à leurs amours et à leurs espoirs, et mourir librement, sous les griffes d’une bête sauvage ou de sa propre main. Le tronçon d’épée pouvait encore servir ; il l’avait prouvé. Mais tout cela eût été contraire à la loi, à la tradition. Les Dieux m’imposent une leçon d’humilité, pensa-t-il. Qui suis-je pour oser la refuser ?

Se tenant par la main, Freïa et l’autre homme marchaient toujours.

 

La crique apparut sous leurs yeux d’un seul coup. L’instant d’avant, ils enjambaient encore les buissons touffus de la forêt ; l’instant d’après celle-ci s’éclaircissait pour dévoiler la mer, pour dévoiler la plage, pour dévoiler la chaumière...

La crique ! L’endroit où ils allaient passer le restant de leurs jours.

— Viens ! cria Freïa. Courons !

Entraînant son compagnon, elle se hâta joyeusement vers la chaumière. Le jeune homme contraignit ses jambes à le porter encore et suivit de loin, sans se presser. Il s’en félicita lorsqu’il vit l’autre homme s’arrêter net, comme s’il avait heurté un mur, et pousser un cri de douleur. Ce devait être une de ces barrières invisibles dont il avait déjà fait l’expérience en compagnie de son ami, le vieux Fou. Mais si barrière il y avait elle n’avait pas affecté Freïa qui avait dépassé sans mal l’endroit critique. Se pouvait-il qu’il y eût encore une épreuve, réservée aux hommes ? Encore une chance, une seule, d’échanger les rôles ?

Le jeune homme sentit son cœur battre plus fort, tandis qu’il rejoignait le supposé Héros.

— Tu as un problème ? demanda-t-il en souriant.